L’escadrille «Normandie-Niémen» dans las mémoire collective des Russes
On se réfère à la mémoire collective en tant qu’un ensemble commun des informations conservées dans les mémoires individuelles d’un certain groupe. Compte tenu les changements rapides qui s’opèrent dans la vie politique, économique, sociale, scientifique et culturelle, ces pratiques de se remémorer le passé ont pour l’objectif de renforcer le sentiment de communauté. En même temps la mémoire collective ne reflète pas les événements historiques, elle comporte nécessairement un degré de subjectivité, puisque la manière de se souvenir du passé est influencé par la conjoncture économique, politique et sociale. Cette mémoire collective évolue au fil de temps et joue un rôle majeur dans la création de la perception du passé et dans la construction d’une société. Transmise d’une génération à l’autre, elle subit une influence considérable des historiens, des écrivains, journalistes, des hommes des lettres, des politiciens et peut être considerée en tant qu’une représentation emotionnelle et subjective des réalités historiques. La mémoire collective est constamment alimentée par les emotions individuelles et dans cette optique elle peut être consideré comme un mélange des expériences personnelles et des événements du passé[1].
L’histoire de la deuxième guerre mondiale marque à jamais la mémoire collective de plusieurs générations. Malgrés les différents clivages politiques ou idéologiques l’histoire du «Normandie-Niémen», le seul régiment étranger en terre soviétique dans les années 1942-1945[2], la fraternité des pilotes français et des mécaniciens soviétiques restent les symboles importants de l’amitié franco-russe.
Soucieux de voir la France Libre représentée sur tous les fronts, le général de Gaulle songe à envoyer une division française en URSS pour combattre contre le même ennemi: l’Allemagne nazie. Sous les ordres du commandant Pouliquen le groupe de chasse est créé en septembre 1942. Constitué au Liban, il prend le nom de «Normandie». En novembre de la même année, les 60 volontaires de l’unité aérienne, pilotes et mécaniciens s’embarquent pour l’URSS, ils arrivent à la base aérienne de Ivanovo. Dès le mois de mars 1943, l’escadrille est engagé sur le front germano-soviétique. Incorporé dans la 1re armée aérienne, «Normandie» commence à effectuer diverses missions de reconnaissance et ensuite est régulièrement engagée dans les opérations de combat: attaques de collonnes et d’aérodromes allemands. En juin-juillet, l’unité, intégrée à la 303e division aérienne de chasse sous les ordres du général N. Zakharov, reçoit de nouveaux pilotes. Lors de la bataille d’Orel[3] en juillet les pertes sont lourdes, ayant reçu un nouveau renfort, le «Normandie» se déplace vers Smolensk et accumule de nouvelles victoire aériennes. L’année 1943 se révèle particulièrement meurtrière pour les chasseurs français, après six premiers mois de combat, 21 pilotes sont morts, prisonniers ou disparus. En hiver 1943-1944 l’unité est réorganisée, 52 nouveaux aviateurs arrivent en renfort de l’Afrique du Nord. En juin le régiment participe dans l’offensive soviétique en Biélorussie et en Lituanie. Le mois suivant les pilotes français sont engagés dans la bataille de franchissement du Niémen, ayant pour objectif d’assurer la protection de l’armée soviétique[4]. Pour ses actions héroiques, «Normandie» reçoit du commandement soviétique le titre de «Régiment du Niémen» en devenant ainsi «Normandie-Niémen». En automne 1944 il prend part dans l’offensive de Prusse et en décembreles les pilotes français se rendent tous à Moscou pour rencontrer le général de Gaulle en visite officielle en URSS. Le commandant Pouyade et les «anciens» du «Normandie» rentrent en France. Placé sous les ordres du nouveau commandant Louis Delfino le régiment entame sa troisième campagne en Prusse orientale[5]. Après la capitularion de l’Allemagne le retour n’est plus qu’une question de jours. En 1940 les autorités soviétiques offrent à la France les 40 Yak 3 sur lesquels les chasseurs français ont volé durant leurs missions aériennes. En juin ils arrivent au Bourget où il reçoivent un accueil triomphal[6].
En Russie les lieux de mémoire dédiés au «Normandie-Niémen» sont nombreux: des memoriaux, des musées, des écoles, des plaques commémoratives, à Orel, Smolensk, Ivanovo il y a des rues qui portent le nom du régiment .
Le premier monument en hommage du «Normandie-Niémen» est inauguré à Kaliningrad le 9 mai 1984. Le sculpteur Oleg Salnikov choisit le granit noire pour contraster avec les avions en bronze et l’emblème du régiment. Le revers du monument reprsénte le parcours des pilotes français, de Ivanovo jusqu’à Elbing en Prusse Orientale. Suite au vandalisme le monument a été sérieusement endommagé mais restauré en octobre 2007 et désormais classé monument historique.
En 2007 le président de la République Française Nicolas Sarkozy inaugure avec son homologue russe le monument qui glorifie la fraternité des aviateurs français et des mécaniciens soviétiques et se dresse dans le square Krasnokoursantsky à Moscou. L’endroit n’a pas été choisi au hasard, au cimetière Vedenskoye à Lefortovo il y avait des tombes des pilotes français péris lors des combats aériens sur le front germano-soviétique, dans les années 1950-1960 leurs dépouilles ont été rapatriées en France.
Le 5 avril 1943 à Polotniani Zavod, près de Kalouga, l’escadrille commence à remporter ses premières victoires. Ayant pour mission d’escorter des bombardiers soviétiques, elle est attaquée par une patrouille de chasseurs. Lors du combat deux pilotes français, Durand et Preziosi, descendent chacun un Focke-Wulf 190, grace au soutien des aviateurs du «Normandie», les bombardiers soviétiques rentrent à la base sans avoir subi aucune perte. Ces victoires sont commémorées en 2009 par un nouveau memorial au «Normandie-Niémen» à Kalouga.
A Ivanovo, à 250 km au nord-est de Moscou, en hiver 1942-1943 les pilotes français commencent leur entraînement sur le matériel soviétique dans les conditions climatiques très rudes. C’est la première base aérienne qui a accueilli les aviateurs du «Normandie» portant volontaires en terre soviétique. En 2015 la ville de Ivanovo voit l’inauguration du monument destiné à immortaliser la fraternité des pilotes français et des mécaniciens soviétiques. En juillet 1944 le chasseur du «Normandie-Niémen», Maurice de Seynes, refuse de suivre l’ordre de sauter en parachute à la suite d’une fuite d’essence dans la cabine, il ne veut pas quitter son avion par solidarité avec son mécanicien Vladimir Bielozoub qui voyage avec lui mais ne dispose pas d’un parachute. Il s'écrasent tous les deux au sol lors de la dernière tentative d'atterrissage, ils sont enterrés dans une tombe commune. Sur le monument, édifié d’après le projet de V. Sourovtsev et V. Syaguine, on peut voir les noms de tous les pilotes français qui ont participé aux combats aériens près de Ivanovo.
En 1965 l’école numéro 1216 ouvre le premier musée qui est consacré au souvenir de l’épopée «Normandie-Niémen». Sa mission est de présenter la coopération franco-soviétique à l’époque de la deuxième guerre mondiale et montrer le rôle des interprètes dans la vie quotidienne du «Normandie-Niémen». En mars 2012 l’école fait une demande de prendre le nom du héros de l’Union Soviétique Marcel Léfevre, cette initiative a été soutenue par l’Ambassade de France et l’administration de Moscou. Tous les ans l’école numéro 1216 reçoit le Congrès des musées, consacrés au «Normandie-Niémen», ayant pour l’obejctif de coordonner les efforts et de lancer de nouveaux projets pour la transmission de la mémoire de cette célèbre unité aérienne[7].
Le musée à l’école numéro 29, créé en 1967, a pris l’initiative de collaborer avec d’autres musées, tous les ans il organise la semainé dédiée au «Normandie-Niémen», aucours de laquelle il y a toute une série de manifestations: les rencontres avec les vétérans, le concours des dessins et des affiches au sujet du fameux régiment de chasse. Ce musée entame de même des recherches pour repérer des vestiges des avions qui ont été abattus durant des combats aériens.
En 2003 à l’école numéro 19 à Kalouga a été inauguré un autre musée en souvenir du «Normandie-Niémen». Il existe surtout grace aux efforts de Maria Kouzmina, qui connaissait les pilotes et les mécaniciens de l’escadrille et qui, malgré son age, fait toujours des visites guidées.
Le musée de l’école numéro 712 à Moscou est devenu le musée le plus visité par les délégations françaises. Les élèves et les enseignants de l’école participent de la manière très active à toutes les manifestations et commémorations liées au «Normandie-Niémen». En octobre 2015 ils sont venus à Nice àl’occasion de la cérémonie d’hommage sur la tombe du général Delfino, au cimitière Caucade, et l’inauguration de l’exposition «Commémoration des 70 ans du Régiment de Chasse Normandie-Niémen et Hommage au général Delfino».
Or, les lieux de mémoire du «Normandie-Niémen» sont liés avec son parcours sur le front germano-soviétique, les habitants de Ivanovo, Orel, Kalouga sont soucieux de conserver et de transmettre l’histoire de cette unité aérienne. La création de nouveaux musées, l’organisation du Congrès des musées et de différentes manifestations de commémoration autour du fameux régiment, des projets historiques et culturels illustrent la volonté de mettre en avant cette épisode unique du «Normandie-Niémen» qui reste dans la mémoire collective des russes en tant qu’un témoignage important de la lutte commune des français et des soviétiques contre le régime nazi, destinée à renforcer les liens entre les deux peuples.
[1] Nora Pierre, les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 3 tomes : Tome 1. La République, 1984 ; Tome 2. La Nation (1987), Tome 3. Les Frances (1992); Rousso Henry, La hantise du passé, Paris , Textuel, 1998; Todorov Tzvetan, les abus de la mémoire, Paris, Arléa, 2004; Rioux Jean-Pierre, La France perd la mémoire, Paris : Perrin, 2006.
[2] Histoire de l'escadrille Normadie Niemen en U.R.S.S. Journal de marche (22 mars 1942 - 20 juin 1945), Paris, Office français d'édition, 1946; Yves Courrière,Normandie Niémen. Un temps pour la guerre, Paris, Presses de la Cité, 1979; Alain Vezin, Régiment de Chasse Normandie Niemen, éditions ETAI, 2009; Roland de la Poype, L'épopée du Normandie-Niémen, Paris, éditions Perrin, 2011; Serguei DybovNormandie-Niemen. L'histoire complète d'un régiment légendaire, éditions Yaouza, Moscou, 2011.
[3] Icare N°63 Revue de l'aviation française, Normandie Niémen. Tome II: La bataille d'Orel, les mécaniciens, retour à Toula, Paris, automne-hiver 1972.
[4] Icare N°65 Revue de l'aviation française, Normandie Niémen. Tome IV: La Campagne 1944, la Biélorussie, la bataille du Niémen, Paris, printemps, 1973.
[5] Icare N°67 Revue de l'aviation française, Normandie Niémen. Tome V: La Campagne 1945 en Prusse Orientale, Paris, hiver-printemps 1974.
[6] Icare N°70 Revue de l'aviation française, Normandie Niémen. Tome VI: La Victoire, le retour en France, Paris, automne-hiver 1974.
[7] http://www.expozit.ru/photo/214
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